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...En quête d'humanité! Tous ensemble, changeons la vie!... PCF Front de Gauche Petit-Quevilly
15 mars 2016

Bernard Thibaut: "Quand la législation est faible, chômage et précarité sont importants"

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Au travers des offensives contre le droit du travail en Europe, c’est la référence des droits sociaux à l’échelle du monde qui se joue. Comme nous l’explique Bernard Thibault, membre du conseil d’administration de l’OIT(Organisation internationale du travail). Bernard Thibaut, cheminot, a été secrétaire général de la CGT (photo: Patrick Nussbaum)

Les réformes du travail s’imposent partout en Europe, toutes vers plus de régression des droits des salariés. Comment la France s’inscrit-elle dans ce mouvement ? Dans la plupart des pays d’Europe où il y a eu des réformes, ça s’est fait avec l’hostilité des syndicats. Il y a eu des mobilisations très importantes en Espagne, en Italie. En Allemagne, les réformes Hartz (ndlr: réalisée par Schröder, chancelier SPD) ont été largement combattues par le syndicat DGB. Il est totalement faux de laisser croire qu’il conviendrait aujourd’hui de s’aligner sur ce que des pays auraient accepté de mettre en œuvre dans la joie et la bonne humeur. Ce sont des mesures qui ont été imposées aux travailleurs et à leurs organisations syndicales. Les pays européens sont dans une compétition vers le moins-disant social. Quand on regarde la situation sur l’ensemble des continents, l’Europe possède les droits sociaux les plus évolués. Un travailleur sur deux aujourd’hui dans le monde n’a pas de contrat de travail. La relation de travail peut alors être rompue d’un claquement de doigts. 73 % de la population mondiale n’a pas de système de protection sociale. Un travailleur sur deux ne perçoit pas de retraite. 12 % de chômeurs seulement sont indemnisés et uniquement 28 % des femmes sont susceptibles de toucher des allocations maternité. En Europe, les droits sociaux sont encore les plus étoffés et les plus élaborés. Ce n’est pas pour rien : c’est aussi le continent où le syndicalisme a trouvé son essor et où les batailles sociales et syndicales ont été les plus nombreuses. Ce qui se joue au travers des offensives en Europe, c’est la référence des droits sociaux à l’échelle du monde. Nous restons encore le continent de référence. En son sein, un pays comme la France, où le taux de couverture par les conventions collectives est de 98 %, est naturellement un obstacle pour ceux qui voient le social comme la principale variable d’ajustement de l’économie.

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La France peut-elle s’extraire de cette orientation économique européenne, voire mondiale ? Les alternatives sont-elles possibles ? Il faut surtout contester les fables qui se sont multipliées, comme celle selon laquelle la faculté de licencier plus facilement créerait de l’emploi. Il n’y a absolument aucune démonstration au plan international qui puisse être faite dans ce domaine. Au contraire, dans un grand nombre de pays, quand la législation est plus faible, les niveaux de chômage et de précarité sont particulièrement importants. Je pense à l’Inde où 95 % du travail est informel, à la Chine, aux États-Unis… La précarité caractérise de plus en plus l’emploi mondial. Certains répondent par des mini-jobs (Allemagne, Grande-Bretagne) mais ça ne permet pas de vivre convenablement. C’est plutôt la démonstration inverse qui est faite. Il faudrait créer environ 600 millions d’emplois d’ici à 2030 pour répondre à l’évolution démographique. Or on assiste plutôt à une destruction des emplois. Ce qu’il faut faire c’est innover avec de nouvelles protections pour les travailleurs et non pas multiplier les mesures qui vont les précariser davantage. Ce sera source de tensions et de déstabilisation dans nombre de pays. Toute zone de non-droit porte un préjudice à la paix pour l’ensemble de l’Humanité. Il n’y a qu’à voir la carte du monde social aujourd’hui, les zones de tension et de conflits armés se superposent très souvent aux zones de non-droit ou à la misère sociale.

Pourquoi la question sociale cristallise-t-elle aujourd’hui en France un tel ras-le-bol autour de l’avant-projet de loi El Khomri ? Pour répondre à chaque fois aux revendications patronales, on nous vend partout depuis des années un discours sur les droits sociaux, le Code du travail, les conventions collectives, qui seraient des facteurs responsables du taux de chômage. Les assouplissements de la loi, comme avec la rupture conventionnelle, sont censés être des mesures pour créer de l’emploi. Or aujourd’hui il y a un record du nombre de ruptures conventionnelles, mais il y a aussi un record de chômage ! Avec ce projet de loi, l’ampleur de l’offensive est significative. Peu de réformes ont eu une telle « ambition ». En 130 pages, le projet touche pratiquement tous les domaines: la rémunération, le temps, la formation, les jeunes comme les moins jeunes… Et puis il y a la brutalité. Le gouvernement n’a absolument pas discuté, à ma connaissance, de tout ça précisément avec les organisations syndicales puisque les responsables disent avoir découvert le texte par la presse. C’est en infraction, d’ailleurs, avec la loi Larcher qui fait obligation au gouvernement de s’adresser aux organisations syndicales, dès lors qu’il y a un projet de modifier le Code du travail. Et la menace d’utiliser le 49.3, même si Valls s’en défend aujourd’hui, est une brutalité institutionnelle par définition. Quand on ajoute le niveau de chômage et la précarité massive… À un moment donné, tout cela fait que ça n’est plus supportable. Et, de manière tout à fait salutaire, il y a ce sursaut qui, je l’espère, va durer. Nous ne sommes pas dans un pays amorphe lorsqu’un débat s’installe sur le sens de l’avenir des droits sociaux. Le mouvement aujourd’hui lancé contraindra le gouvernement à reculer. La question est de savoir si ce sera en totalité ou partiellement. Mais, déjà, il est condamné à reculer. (entretien réalisé par Kareen Janselme, lundi 14 mars pour le journal l'Humanité) 

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