"On croit mourir pour la Patrie, on meurt pour des industriels" Anatole France
Anatole France écrit une lettre au directeur du journal l'Humanité, Marcel Cachin. Elle paraitra dans l'édition du 18 juillet 1922.
"Cher citoyen Cachin, je vous prie de signaler à vos lecteurs le récent livre de Michel Corday, les Hauts Fourneaux, qu'il importe de connaître. (...) "On y verra notamment ...que la guerre mondiale fut essentiellement l'oeuvre des hommes d'argent; que ce sont les hauts industriels des différents Etats de l'Europe qui, tout d'abord la voulurent, la rendirent nécessaire, la firent, la prolongèrent. Ils en firent leur état, mirent en elle leur fortune, en tirèrent d'immenses bénéfices et s'y livrèrent avec tant d'ardeur, qu'ils ruinèrent l'Europe, se ruinèrent eux-mêmes et disloquèrent le monde."
(...) "Ainsi, ceux qui moururent dans cette guerre ne surent pas pourquoi ils mouraient. Il en est de même dans toutes les guerres. Mais non pas au même degré. Ceux qui tombèrent à Jemmapes* ne se trompaient pas à ce point sur la cause à laquelle ils se dévouaient. Cette fois, l'ignorance des victimes est tragique. On croit mourir pour la patrie; on meurt pour des industriels. Ces maîtres de l'heure possédaient les trois choses nécessaires aux grandes entreprises modernes: des usines, des banques, des journaux. Michel Corday nous montre comment ils usèrent de ces trois machines à broyer le monde."
*Victoire de Dumouriez le 6 novembre 1792, six semaines après Valmy.