Ce gouvernement pourrit nos vies. Ambiance sur le piquet de grève à la gare de Rouen.

6h45: dans la douceur anormale de ce vendredi hivernal, les premiers cheminots grévistes franchissent la grille coté rue Verte. Les gestes sont bien rodés depuis le 5 décembre. La répartition des tâches permet l'efficacité. Seuls quelques mots sont échangés. Priorité à la préparation du café afin d'accueillir les camarades qui arrivent en fonction des impératifs familiaux ou de l'éloignement du domicile. Puis c'est le brasero de palettes, qui n'auront pas de 2ème vie, avec les plaisanteries rituelles sur les difficultés à l'allumage. Et se déploie le barnum de l'inter professionnel CGT. La météo ne prévoit pas la pluie. Habillés des chasubles de leurs organisations syndicales respectives, les militants CGT et SUD repositionnent les drapeaux sur la grille de l'emprise des coulisses de la gare. Sont bien présents et visibles FO, mais aussi ceux de l'UNSA qui refusent la trève des confiseurs que leurs dirigeants ont proposé. Le front syndical reste uni et déterminé.

La direction locale est aussi présente, accompagnée d'un huissier, rémunéré chaque matin, pour constater... la parfaite responsabilité et la grande dignité des grévistes. Le piquet de grève est un point de rencontre quotidien afin de discuter ensemble sur l'action à mener, le point des négociations (et là malheureusement c'est rapide, la ministre des transports, bien connu des cheminots est à Marrakech), mais aussi de discuter avec les collègues qui partent travailler, connaissent des pressions, doutent. Ce matin, des incidents à Vernon (pantographe) et Yvetot (icident de personne) sont relevés, montrant une fois de plus un trafic fragile structurellement.

Les paquets en carton, dans le sapin de Noël offert par la solidarité, rappellent les revendications qui motivent à ce long conflit: bien sûr cette fumeuse retraite à points qui nivelle par le bas, rend incertain la pension cotisée et éloigne d'autant l'âge du droit mais également le devenir de la SNCF au 1er janvier, déjà très mal en point, désintégrée, démembrée, anémiée. La nomination, cette semaine, par le successeur de Pépy de deux financiers chargés de vendre par appartement les restes de l'entreprise ferroviaire suscite cette remarque: "pendant les fêtes, la direction redécouvre dans le vocabulaire les mots usagers et service public." Et oublie les clients grugés par une tarification et un service loin d'être à la hauteur, tarification dénoncée par des associations de consommateur. Et dont le cynisme des dirigeants SNCF avec l'aval du gouvernement a été d'instrumentaliser les 6.000 enfants rejoignant leurs familles. 

Avec la chaleur du brasero, les discussions s'animent dans une relation fraternelle que ne remplacera jamais les portables, outils pourtant indispensable pour coordonner l'action. Les bulletins de paie de décembre tombent, avec déjà les premières amputations. La direction en a aggravé l'effet en retardant le jour pour le décompte. Le pourrissement organisé par les Macron et consorts n'altère pas la détermination sur ce combat juste. Car chacun-ne combat pour soi-même mais aussi pour un conjoint, un enfant, un voisin, un proche. Pour le droit à une retraite digne. Et cela, c'est de l'universalité comme le rappelait les syndicats suédois, qui ont expérimenté la retraite à point et voit de plus en plus de retraités pauvres. Ou bien les allemands, qui pourraient voir passer de 67 à 69 ans le droit à une retraite à taux plein. Dans les discussions,le quotidien de vies qui se serait bien passé d'une grève qui met à l'épreuve. L'une, c'est l'obtention d'un nouveau logement. Dans un autre groupe, le sujet est les enfants, nos "bébés, sunommés affectueusement.  

La solidarité fonctionne à plein dans les deux sens. Le responsable syndical CGT de Boréalis était présent à la toute première heure avant de partir distribué un tract à la porte de son entreprise. Le travail en 3/8 est un sujet commun pour souligner la pénibilité et l'impact sur l'espérance de vie. Les soutiens financiers aux grévistes fonctionnent, en commençant par les retraités fiers que le combat social perdure dans un contexte différent et très certainement plus hostile qu'en 95. Macron a toutes les forces d' l'argent derrière lui, mais aussi les médias, ici c'est le candidat Louvel, principal actionnaire de Paris-Normandie, candidat à Rouen, dont sa fortune s'est faite sur le réemploi ... des palettes. Qu'est ce que l'on aimerait que des journalistes fassent leur travail d'investigation plutôt que de relayer la voix de son maître sur "les salauds de grévistes" !

Un feuillet "100% public", issu de la fédération CGT est distribué afin de contrecarrer les fausses informations sur l'énergie. Qui rappelle le hold-up qui s'opére sur le gaz et l'électricité.

Une AG s'improvise. Samedi, une maraude part de la gare de Rouen afin d'aller vers les plus démunis pour leur fournir un repas. Logistique en cours de préparation. Puis manifestation à 14h30 devant la mairie de Rouen pour un circuit bouclé. La consigne est bien la dignité du droit, en évitant les provocations de ceux qui veulent casser le mouvement, en commençant par ce gouvernement ou Castaner, le sinistre ministre de l'intérieur, emporte la palme de la méchanceté. 

Ce gouvernement est aux abois car il sait que, après 3 semaines de grèves et manifestations,  l'opinion publique reste du coté de ceux qui luttent pour l'égalité. Pour preuve, il reporte au 1er avril, la réforme des APL qui devait faire les poches des plus modestes, 1 milliards d'euros par an , au nom de la comtemporanéité. 600.000 allocataires de la CAF verrait la suppression pur et simple de l'APL.  1,2 millions verraient une baisse de l'Aide Personnalisée au Logement. Mais tout va bien , le CAC40 a franchi, de façon historique la barre des 6.000 points. Le champagne va couler à flot dans les bourses du monde entier. Le Thatcher français à gueule d'ange vous embobinera ( sa retraite de président) de voeux de prospérité, avec le bout du tunnel garanti. 

Au fait, j'avais oublié la musique diffusé pendant le piquet de grève. Car les cheminots ont de la culture, eh oui Mossieurs !  Et cette rengaine "l'opportuniste" de Jacques Dutronc qui me lancine toute la matinée. Dans les échéances municipales prochaines, j'y voie des visages au sourire aguichant, ni de gauche, ni de droite, ni de ceci, ni de cela. Mais "promis juré" qui défendent les (leurs) intérêts des habitants. Dans une imposture sociale, écologique, voir démocratique. Macron et Le Pen ne sont pas l'alpha et l'oméga de notre République. Le courageux combat en cours nous appelle à ouvrir des perspectives politiques, ici et maintenant, sans ambiguité. Cela passe par le soutien aux actions en cours.  En totale solidarité avec mes camarades de la gare de Rouen, André Delestre, secrétaire général CGT des cheminots de Rouen en 1995